Projet pour une eau de consommation saine et accessible à tous
Moi, Bruno Germain, militant associatif, je vous propose d'ouvrir un débat sur une solution qualitative et publique d'approvisionnement en eau de consommation humaine.
Ancien membre de la Coordination jurassienne Eau-Assainissement (COJEA) créée par Gabriel Amard (spécialiste national reconnu de la gestion de l'eau et député insoumis du Rhône), militant associatif et ancien administrateur de Terre de liens, mouvement ayant pour objet la préservation des terres agricoles et, par voie de conséquence, de la qualité de l'eau, membre de la Confédération paysanne du Jura, je propose ci-après, au terme d'une réflexion approfondie, d'ouvrir un débat sur une solution qualitative et publique d'approvisionnement en eau de consommation humaine par la mise en place d'un réseau "séparatif" de distribution d'eau de consommation, distinct de celui de l'eau dite "potable", aujourd'hui largement discréditée.
Projet pour une eau de consommation saine et accessible à tous
Le constat
L'eau est, comme l'air, un Bien commun essentiel à la vie, à la santé et au bien-être humain.
Or, l'eau est l'objet d'une surconsommation imputable, d'une part, à l'évolution des modes de vie des pays dits "développés" et, d'autre part, aux pratiques de production agricole et industrielle. Elle est devenue dans de nombreux pays une ressource rare et cette situation tend à se généraliser et s'aggrave au fil des ans, jusqu'à devenir source de conflits entre populations et entre états.
Parallèlement, si la qualité bactériologique et la qualité physique de l'eau se sont améliorées, sa qualité chimique connaît un processus de dégradation, assez peu connu du grand public et peu étudié scientifiquement, qui atteint un stade quasi-irréversible consécutif à des décennies d'activités polluantes, agricoles et industrielles, pharmaceutiques et médicales.
La gestion de l'eau, généralement considérée par le monde économique et financier comme un bien marchand, aboutit à une forme de privatisation et d'exploitation de ce bien commun ne prenant pas en compte l'intérêt supérieur et à long terme des populations.
C'est ainsi que dans notre pays, cette ressource encore abondante est gérée sans que soient mis en relation la qualité intrinsèque de l'eau et le type d'usage qui en est fait, cette qualité n'étant exigeante, essentielle, voire vitale, que pour une faible proportion des volumes distribués par le réseau public. Le Service public de l'eau, qu'il soit géré directement par les Collectivités ou délégué à des sociétés privées, distribue pour tous les usages une eau dite "potable" répondant à des critères bactériologiques, physiques et chimiques fixés par les autorités publiques. Or, ces derniers sont définis non sur la base d'une analyse scientifique et médicale des conséquences sanitaires desdits polluants chimiques, mais sur la base de la possibilité pratique d'assurer la desserte en eau de l'ensemble du territoire sans enfreindre, sinon de façon ponctuelle ou exceptionnelle, les normes arbitrairement fixées (c'est ainsi que seule et quelques dizaines de molécules sur des milliers présentes dans l'environnement sont prises en considération, analysées ou non, fréquemment ou non, selon les captages, avec une quantité limite de mgr tolérée identique pour chaque type de molécule, et uniforme pour leur quantité cumulée: il n'est besoin d'être "grand clerc" ou scientifique émérite pour juger du sérieux de telles normes de "potabilité").
Le choix de distribuer une eau "potable" pour tous usages emporte les conséquences suivantes, très fâcheuses, voire très graves:
- l'eau de consommation (au sens ingestion) est considérée comme suffisamment inquiétante par une partie considérable et croissante de la population pour que celle-ci fasse le choix de consommer de l'eau embouteillée, généralement de qualité "minérale" (c'est-à-dire une eau dont la minéralité est constante et la composition chimique strictement contrôlée), ce qui alourdit jusqu'à plus que doubler la facture d'eau totale des ménages concernés, sans même parler des contraintes d'approvisionnement des magasins et des conséquences environnementales du conditionnement plastique et de la logistique de transport à (très) longues distances;
- parallèlement, et afin de pouvoir mieux justifier de la "potabilité" de l'eau distribuée, le Service public de l'eau met en place, surtout dans les grandes villes où la population est plus sensible à ces problématiques, des techniques de dépollution industrielles dont l'efficacité et le champ d'action en termes de couverture moléculaire sont sujets à caution, et dont le coût de revient est disproportionné, et totalement injustifié pour la plupart des types d'utilisation de l'eau "potable", soit pour 95 à 98% de l'eau distribuée.
Ce qui peut être considéré comme une dérive politique, technique et économique majeure et non maîtrisée, une forme d'engrenage pernicieux où les comportements individuels de précaution sanitaire, les pratiques des gestionnaires publics de l'eau qui se déchargent souvent de leur responsabilité sur des concessionnaires privés aux intérêts inavoués, celles des sociétés multinationales qui réalisent des profits scandaleux sur un bien commun qu'elles extraient gratuitement et sans limite de la nature, doit nous conduire à une remise en question de l'ensemble du dispositif de gestion de l'eau par une réflexion citoyenne prenant en compte tous les enjeux, pour la plupart majeurs, des choix à faire pour l'avenir, celui de la santé humaine en particulier.
Quelle que soit l'opinion que l'on a sur la consommation massive de l'eau embouteillée (près de 209 litres par personne par an en moyenne en France selon l'INSEE), il s'agit d'une situation de fait déjà ancienne qui s'explique notamment:
- par les recommandations pressantes du corps médical en matière d'alimentation des nourrissons, transposées ensuite par les parents à leurs enfants de tous âges, comme aussi à eux-mêmes parfois, sachant que le corps humain est essentiellement constitué d'eau, toujours renouvelée, et que la moindre des exigences sanitaires est que cette eau absorbée soit exempte de produits chimiques, de molécules médicamenteuses diverses ou d'hormones;
- par les enquêtes alarmantes sur la qualité de l'eau des rivières et des nappes phréatiques périodiquement diffusées, tant par les associations de consommateurs que par des organismes officiels tels que le Commissariat au développement durable ou la Cour des Comptes.
Le dispositif proposé
Compte tenu de ce qui précède, il n'est plus éthiquement acceptable que l'eau de consommation humaine mise à la disposition de chacun, quels que soient ses moyens, ne soit parfaitement saine, et il n'est pas techniquement possible ni économiquement supportable que la totalité de l'eau dite "potable", distribuée pour tous les usages, respecte ce niveau d'exigence.
Dès lors, seule une solution assurant un approvisionnement séparé en eau de consommation humaine, d'une part, et en eau d'usage courant, d'autre part, peut répondre aux attentes et aux inquiétudes actuelles d'une partie importante de la population, et aussi garantir les élus en charge du service public de l'eau, fut-il concédé "au privé", vis-à-vis des risques juridiques et pénaux liés aux conséquences sanitaires qui pourraient être imputées, à plus ou moins longue échéance, à la distribution d'eau d'une qualité chimique inadéquate à la santé humaine.
De la même façon qu'a été prescrite de longue date la mise en place de réseaux d'évacuation séparés pour les eaux pluviales et pour les eaux usées, il peut être à bon droit et en toute logique soutenu qu'un approvisionnement séparé en eau selon l'usage qui en est fait doit être envisagé. Il s'agit là d'une mesure de longue haleine, qui n'en doit que plus être engagée au plus tôt, en commençant par les quartiers en construction et les réseaux nécessitant une rénovation lourde. Elle suppose que les ressources encore existantes en eau de haute qualité soient cartographiées et réservées à la consommation humaine, et que tous autres prélèvements y soient désormais strictement interdits. Elle implique que les Agences de l'eau mettent un terme définitif à la pratique de "coupage" de ces ressources qualitatives avec des captages pollués hors normes, ceci afin d'obtenir une eau médiocre mais conforme à la réglementation.
Sans attendre la généralisation des réseaux séparés, des mesures de transition doivent être organisées, telles que la distribution d'eau de haute qualité en petite quantité, à un tarif public spécifique, en des points répartis sur le territoire selon le type d'habitat. Dans les situations les plus défavorables (habitat individuel, dispersé, points de captage qualitatifs éloignés excluant le transport par canalisation et nécessitant un transport par camion-citerne, ...), des modalités particulières pourront être proposées en termes de conditionnement et de délivrance. Elles devront assurer les mêmes garanties de sécurité et de qualité bactériologique et physique que celles fixées par la réglementation en vigueur.
Un tel projet ambitieux, à court, moyen et long terme, ne peut être envisagé sans une ré-appropriation de ce bien commun de l'eau par la collectivité publique, en étroite coopération avec les citoyens-consommateurs locaux et leurs associations. Si sa mise en œuvre représente une charge financière étalée mais significative, il a le mérite de re-localiser des activités économiques (l'eau de boisson, son transport, son conditionnement éventuel) et de développer ces activités au niveau régional ou local (l'aménagement de nouveaux réseaux de distribution, la gestion, la distribution en conditionnement individuel s'il y a lieu transitoirement), par substitution à des activités largement préemptées par des multinationales (Nestlé, Danone, Veolia, Suez) pour lesquelles l'aménagement du territoire est sans intérêt. Ces dépenses nouvelles seront en outre compensées par des économies non négligeables:
- réalisées par les collectivités sur la dépollution devenue inutile des eaux distribuées pour les usages courants, économies qui pourront être orientées vers une politique à long terme de prévention des pollutions diffuses afin de restaurer la qualité globale de la ressource en eau pour les générations futures;
- réalisées par les actuels consommateurs d'eau embouteillée, auxquels une alternative plus économique et plus écologique sera ainsi proposée.
Le plan d'action
Si l'ensemble du territoire national est concerné par ces enjeux et par le dispositif proposé, il est tout-à-fait concevable et souhaitable d'en expérimenter localement l'opérationnalité sur la région Bourgogne Franche-Comté, ou sur le seul département du Jura, ou sur le territoire d'une ou plusieurs communautés de communes, ou syndicat des eaux ou régie municipale.
Il convient à cet effet et dans un premier temps de sensibiliser les élus et de recenser les collectivités volontaires.
Parallèlement, il importera de mobiliser les acteurs économiques locaux des secteurs d'activités bénéficiaires de ce nouveau service (industriels du conditionnement, du transport et logistique, des travaux publics, ...).
Enfin, last but not least, l'on devrait pouvoir s'appuyer sur le concours des citoyens au travers des nombreuses associations intéressées par les enjeux de santé publique, de qualité de vie et d'environnement.
Quelques références sur la question de l'eau