Polémique sur le lynx, la fédération de chasse du Jura répond !
La fédération des chasseurs du Jura avait été questionnée lors de notre article sur le Lynx. N’ayant pas eu de réponse dans un premier temps, nous avions publié l’article. Le président de la fédération des chasseurs du Jura, monsieur Lagalice a répondu plus tard, voici ses réponses. Les questions ont été posées avant la sortie de l’entretien.
S. Philippe: Comprenez-vous la lettre adressée par l'association de chasse du Doubs sur les demandes concernant le lynx et notamment le retrait du plan ECOLYNX et la régulation du lynx ?
M.Lagalice: Nous ne cautionnons pas les demandes formulées par ces chasseurs et rappelons que le lynx est une espèce strictement protégée, sans remettre en cause son statut.
Toutefois, nous comprenons le mécanisme ayant conduit à cette demande.
En effet, nous observons dans le Haut-Jura, depuis une dizaine d’années, une baisse des prélèvements de chevreuils de l’ordre de 15-20 % en moyenne.
Parallèlement, le lynx est observé régulièrement par les chasseurs sur ces secteurs. Ainsi, certains peuvent attribuer de façon trop hâtive la cause de cette baisse à la présence du prédateur.
Pour autant, nous savons grâce aux études que nous menons que la tendance ne peut en aucun cas être attribuée à la seule prédation du lynx. Effectivement, parmi les chevreuils capturés et marqués dans le département au moins autant sont prélevés par la chasse que prédatés par le lynx.
De plus, nous nous rendons compte que des facteurs comme les maladies ou le réchauffement climatique ont des effets prépondérants.
Par conséquent, au contraire des demandes formulées par ces chasseurs, nous croyons que pour faire face à ces enjeux de coexistence, il nous faut renforcer les suivis techniques et scientifiques des espèces, afin de gérer toujours plus durablement les populations d’ongulés.
S.P Quelle place, selon vous, occupe le Lynx dans l'écosystème jurassien aujourd'hui ?
M. Lagalice À ce jour, le lynx poursuit son développement dans le massif jurassien. D’après les suivis que nous menons et les remontées de terrain, les habitats disponibles dès le premier plateau du Jura semblent occupés et l’on dénombre une douzaine de preuves de reproduction dans le Jura par an. Le lynx étant une espèce territoriale et solitaire, les nouveaux individus doivent donc se disperser pour coloniser de nouveaux territoires. C’est pour cela que l’on en observe dans le bas Jura ces dernières années, mais aussi en Saône-et-Loire ou Côte-d’Or.
Le lynx a donc sa place dans le massif jurassien. Au niveau cynégétique, nous intégrons sa prédation dans nos plans de chasse afin de trouver un équilibre.
S.P Quelles sont les solutions pour faire cohabiter les chevreuils, l'humain et le Lynx ?
M. Lagalice Pour notre part, nous sommes convaincus qu’une meilleure coexistence passera par une meilleure compréhension des interactions entre le lynx, ses proies et les activités humaines. Pour cela, nous menons différentes études sur le sujet en impliquant nos chasseurs, ce qui permet de partager les connaissances sur les espèces et d’atténuer certains préjugés. Cela est passé ces dernières années par des campagnes de suivis photographiques, des études des populations de chevreuil et chamois (ecolemm.fr) ou une thèse en sciences humaines et sociales.
Nous avons par ailleurs développé une exposition itinérante « Apprendre à vivre avec le Lynx » et un film « Chasseurs proies Lynx » qui permettent de poursuivre ce partage de connaissances.
Cependant, la cohabitation est un long chemin qui demande de l’écoute et de l’empathie et n’est guère compatible avec une démarche d’entretien des visions extrêmes.