Société / Lons-le-Saunier

Les deux soignantes non vaccinées seront-elles réintégrées ?

Le Conseil des Prud'hommes de Lons-le-Saunier a ordonné la réintégration de deux travailleuses sociales salariées, non vaccinées contre le Covid, suspendues par leur employeur depuis le 15 septembre 2021. Cependant, l'APEI a fait appel, sans avoir appliqué le jugement des prud'hommes pourtant exécutoire.

L'APEI de Lons-Le-Saunier, située Place de Verdun (© Photo: Anthony Brondel)

Les deux soignantes non vaccinées contre le Covid suspendues par l’APEI (Association de Parents d'Enfants Inadaptés) seront-elles réintégrées ?

C’est la décision prise par le Conseil des Prud'hommes de Lons-le-Saunier qui a ordonné la réintégration de deux travailleuses sociales salariées non vaccinées contre le Covid, suspendues par leur employeur depuis le 15 septembre 2021. Cependant, l'APEI, l'association qui emploie les deux salariées a fait appel, sans avoir appliqué le jugement des prud'hommes pourtant exécutoire.

S’appuyant sur l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH), et faisant sien un des arguments de Me Fabien Stucklé, avocat au barreau de Besançon, qui défend des dizaines de personnels de santé ou du médico-social suspendus, le tribunal a considéré que « la conséquence de la non vaccination peut être qualifiée d'importante voire lourde et sérieuse du fait du caractère alimentaire du salaire ».

Le tribunal a également estimé que dans cette affaire « il y a bien eu une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée », tout en précisant qu'il fallait se demander si cette ingérence était prévue par la loi, poursuivait un but légitime en lui étant proportionné, et si elle était nécessaire dans une société démocratique.

Ce sont des points de droit qui ont été débattus parmi les nombreux arguments exposés. « Au jour du prononcé du jugement, la suspension du contrat de travail qui devait avoir un caractère provisoire [...] devient une suspension, en réalité, à durée indéterminée » or « la conséquence qui perdure dans le temps apparaît excessive et disproportionnée au regard de la [CEDH] en l'absence de clause claire de revoyure, et sans que soient définis par la loi […] les critères permettant de disposer des données scientifiques précises et complètes sur la pandémie et de connaître la pertinence de la vaccination des salariés exerçant dans le secteur médico-social, permettant de s'assurer que les valeurs protégées l'emportent sur les valeurs auxquelles il est porté atteinte. »

De son côté, l'avocat de l'APEI a argumenté que : « L'association doit protéger les personnes accueillies et sa responsabilité civile et pénale serait engagée en cas de décès dû au Covid. L'état de droit a été respecté, la Haute autorité de santé a validé l'obligation vaccinale, la loi est régulière... Les conditions du référé ne sont pas réunies, déclarez-vous incompétents. »

Rappelons que que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité de l'article 14, paragraphe 1 B de la loi du 5 août qui organise les suspensions : il « présume l'obligation vaccinale conforme à la Constitution » mais se déclare incompétent sur ce point relevant du « Conseil constitutionnel saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité ».

Quelques points clé :

-Novembre 2022 : la Haute Autorité de santé est saisie au sujet de la réintégration des soignant·es

L’Académie nationale de médecine affirme être défavorable à une réintégration des soignant·es non vacciné·es. Le ministre de la santé, François Braun, saisit la HAS pour un avis sur la question.

-29 décembre 2022 : le Conseil d’État rejette les recours

Le Conseil d’État a rejeté fin décembre dernier 12 requêtes déposées pour demander l’annulation du décret d’application relatif au passe sanitaire et à l’obligation vaccinale. Ces voies de recours nationales épuisées, les requérant·es ont jusqu’au 29 avril 2023 pour saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

-20 février 2023 : la Haute Autorité de santé envisage la fin de l’obligation vaccinale

La HAS, dont l’avis est normalement suivi par le gouvernement, envisage la fin de la vaccination obligatoire anti-Covid chez les soignant·es. Elle a ouvert une phase de concertation avant un avis définitif attendu fin mars.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels sur le nombre de soignant·es suspendu·es, la Fédération hospitalière de France (FHF) estimait en novembre 2022 que 4 000 professionnel· les avaient été suspendu·es sur un total de 1,2 million d’agents. Pour le ministre de la Santé, en cumulant les absents au sein du personnel soignant et des personnels techniques et administratifs, la proportion de suspensions s’élèverait à 0,53 % seulement.

Faute d’une mesure globale , chaque cas est traité individuellement ( mise en pré-retraite, rupture conventionnelle, démission, réintégration sur d’autres postes) et environ une soixantaine de plaintes contre X ont été déposées au pénal dans les quatre départements de Franche-Comté. Mais les parquets ont classé ces plaintes sans suite.

Quant à la vingtaine de suspensions contestées devant le tribunal administratif de Besançon, la majorité a été confirmée par la juridiction administrative. Seuls les soignant·es qui étaient en arrêt maladie au moment de la suspension ont eu gain de cause.

Le sort des deux employées de l’APEI de Lons-le-Saunier dépend à présent de la décision prise en appel.