Écologie / Salins-les-Bains

La rivière la Furieuse polluée à Salins-les-Bains : une catastrophe écologique sans équivalent

Que s'est-il passé à Salins-Les-Bains ce 2 septembre dans la Furieuse en même temps que la comice agricole ? C'est la question que nombre de salinois.e.s se sont posé.es lorsqu'ils/elles ont eu l'horrible vision des centaines de poissons morts. Les associations environnementales sont mobilisées pour que justice soit faite.

© Photo : Adrien Lavier

Les bénévoles pêcheurs mobilisés dès les premiers instants

Ce samedi 2 septembre, alors que se déroulait à Salins-les-Bains l’inter-comice agricole et la Faîtes du sport, le garde pêche de la Gaule Régionale Salinoise (GRS), David Dubreil, a découvert vers 10h le déversement d’eaux savonneuses dans la rivière la Furieuse dont la GRS assure la gestion piscicole et la protection du milieu naturel.

Très vite, l’eau aux odeurs de lisier a envahi le lit mineur de la Furieuse depuis le déversoir de la rue Préval, pour se répandre sur près d’un kilomètre de rive. Le constat a été fait très vite : des poissons se sont asphyxiés par les polluants contenus dans l’eau sale. Ainsi, plus de soixante kilogrammes de poissons morts dont deux tiers nés dans l’année, ont été extraits par les responsables de la GRS, Dominique Roussey et Yves Girard accompagnés de plusieurs bénévoles, arrivés sur les lieux dès 10h30. En fin de matinée, alors que déjà les pêcheurs finissaient de relever les cadavres, quelques élus municipaux (Divers droite) ont constaté l’étendue des dégâts et des agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ont été diligentés pour prélever des échantillons de l’eau de la rivière polluée afin d’être analysés dans le cadre de l’enquête en cours.


La pollution la plus importante depuis trente ans


C’est sans doute l’une des pollutions les plus importantes et impactantes qu’a connu la Furieuse depuis ces trente dernières années, d’après le président de la GRS Dominique Roussey. Alors que, dès le début des années 2010, les réseaux d’assainissement à Salins-les-Bains ont fait régulièrement l’objet de travaux de mise en conformité, séparant les eaux usées sales, des eaux pluviales venant des espaces imperméabilisés (voirie, trottoirs, toitures …), une défaillance a été mise à jour ce week-end. « Il n’existe aucun moyen de rétention pour retenir l’eau polluée ou tout autre polluant qui viendrait à se déverser sur la voirie, comme un camion de fioul qui renverserait son chargement lors d’un accident rue Pasteur ; tout finirait dans la Furieuse ! » déclare Yves Girard, vice-président de la GRS. De plus, il subsiste plusieurs déversoirs d’orage en fonctionnement qui permettent aux eaux pluviales encore présentes dans le réseau d’eaux usées de se déverser dans le réseau pluvial, allant à la rivière lors de fortes intempéries. Bien que les polluants soient dilués dans cette eau abondante, il n’en demeure pas moins que la lutte contre la pollution des cours d’eau passe par une mise en séparatif des réseaux et des raccordements systématiques tant au niveau des réseaux publics d’assainissement que dans chaque maison et immeuble afin de rendre efficaces les investissements publics et diminuer la facture économique et écologique. Les épisodes de sécheresse, comme nous en connaissons chaque été depuis plusieurs années, renforcent cette nécessité pour les responsables publics locaux de garantir une eau saine, sans pollution et de lutter contre les déversements sauvages d’eaux usées.


Plus d’un million d’euros d’investissement anéantis en quelques heures


Par ailleurs, et c’est sans doute le plus rageant, en 2019, la ville de Salins-les-Bains et l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue ont porté financièrement la renaturation de près de deux kilomètres de berge de la Furieuse en centre-ville. Les premiers effets manifestes et quantifiables sont devenus perceptibles sur la faune et la flore : l’habitat renouvelé et assaini de la rivière a permis aux poissons de régénérer leur population, aux reptiles telles que les vipères d’eau de retrouver leur habitat naturel et aux oiseaux de pouvoir se reproduire dans de meilleures conditions et ainsi voir leur population augmentée. L’investissement public de plus d’un million d’euros dont les résultats ont commencé à poindre grâce à la restauration du milieu naturel et la sauvegarde du bien commun qu’est l’eau, a été balayé d’un trait de plume, pour ne pas dire anéanti, en quelques heures par la négligence de quelques-uns.


Et le comice agricole ?


Les regards se sont rapidement tournés vers le comice agricole qui se tenait non loin du site de déversement de la pollution, place des prés Sainte Marie et route de Blégny. En effet, les agriculteurs sur place procédaient au nettoyage de leurs animaux au dire du responsable de la manifestation Guy Viennet qui s’est confié à l’Est Républicain. Et de préciser « Il ne peut pas y avoir de coïncidence. Les vaches étaient pourtant lavées avec du shampoing bio. Mais cela peut venir aussi des matières fécales rejetées dans la rivière au moment du nettoyage ». Shampooing bio ? Qu’il soit bio(logique) ou classique, un shampooing reste constitué de produits comme des détergents qui, bien que naturels, n’en sont pas moins concentrés pour permettre une action efficace sur la peau ou les poils, concentration que l’on ne retrouve pas dans la nature et qui s’avère toxique et mortelle quand ces produits se retrouvent dans le milieu naturel. Il est néanmoins trop tôt pour incriminer qui que ce soit. L’enquête qui s’ouvre et qui sera menée par l’OFB et le gendarmerie mettra en lumière les lacunes ou les exactions qui ont causé cette catastrophe écologique.


Des associations de défense de l’environnement à l’unisson … mais des élus absents


A ce jour, la GRS et Pays de Salins Environnement (PSE) ont déposé plainte contre X afin de se porter partie civile dans le cadre du procès qui examinera les responsabilités des personnes qui seront incriminées. SOS Loue rivières comtoise et Jura Nature Environnement s’apprêtent à leur emboîter le pas. Pour l’heure, la Ville de Salins-les-Bains ne fait aucun commentaire et ne s’est pas manifestée auprès des organisations de défense de l’environnement. Les agents de l’OFB ont demandé à être reçus ce mardi 5 septembre en Mairie afin d’exposer les faits aux élus municipaux. Aucun élu (conseillers départementaux, sénatrices, députée) n’a fait de commentaire sur cette catastrophe écologique qui pourtant devrait impacter la Furieuse et l’environnement des Salinois pendant plusieurs années.