Mouvements Sociaux / Jura

La réforme des retraites

On n'avait pas connu un mouvement social aussi important depuis plus de 50 ans. Depuis le 19 janvier, la population jurassienne se mobilise. Des mobilisations qui ont rassemblé jusqu'à 12 000 personnes. Analyse de la mobilisation avec quelques arguments qui battent en brèche l'argumentaire du gouvernement.

L'intersyndicale lors d'une manifestation à Lons-le-Saunier (© Anthony Brondel)

Le rejet de la réforme est massif !

93 % des actifs sont contre la réforme et 70% des françaises et des français soutiennent la mobilisation (au 28 mars 2023 après 12 journées de mobilisation) 82% se sont prononcéEs contre le passage en force par le gouvernement et l'usage du 49-3 et 74% étaient même favorables à ce que les députéEs votent la motion de censure.

Une crise démocratique qui fragilise et remet en cause les institutions de la Vème République

Dans quel régime vivons-nous ?

L'usage du 49-3 nous amène aujourd'hui à une véritable crise des institutions. Il est temps de redéfinir les règles de notre démocratie, et que le peuple dans sa diversité d'opinions redéfinisse notre pacte commun via l'organisation d'une constituante.

Dans une démocratie saine et normale, il n'aurait pas été possible qu'un homme, seul, impose une loi injuste, rejetée par une écrasante majorité de la population, sans vote du parlement, après des manifestations d'ampleur comme celles que nous avons connues ces dernières semaines.

Les institutions de la Vème République le permettent, car elles concentrent le pouvoir dans les mains d'un seul. Elles autorisent le président de la République à gouverner contre son peuple. Voilà pourquoi nous devons changer nos institutions, pour nous protéger de ces possibles dérives autoritaires.

Une répression qui inquiète les organisations des droits de l'Homme

Après avoir essayé en vain la technique du pourrissement, Emmanuel Macron use aujourd'hui de la stratégie de la répression. Si dans le Jura, les manifestations se passent sans violence, l'usage disproportionné de la force est bien réel dans les grandes villes de France.

Des centaines de témoignages et vidéos insoutenables circulent sur les réseaux sociaux qui montrent l'usage purement répressif des forces de l'ordre, et en particulier des Brav-M (les nouveaux voltigeurs qui se déplacent en moto), avec des méthodes contraires aux engagements internationaux (nasses injustifiées, arrestations préventives, journalistes empêchés de travailler) et l’usage d’armes interdites dans la plupart des démocraties du monde (grenades de désencerclement).

Aussi inquiétant, le gouvernement s'autorise des arrestations arbitraires. L'essentiel des personnes arrêtées ont en effet été relâchées sans la moindre inculpation. Le rapporteur spécial de l’ONU, la Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, le Conseil de l'Europe, Reporter sans Frontières, Amnesty International… tous se sont exprimés sur le sujet faisant part de leur inquiétude.

Force est de constater que cette stratégie ne fait que renforcer la détermination des manifestantEs, accentuant encore plus la crise institutionnelle et le discrédit sur un gouvernement qui ne tient que par sa police (pourtant majoritairement hostile à la réforme des retraites).

Le RN ennemi du mouvement social

Il est à noter l'absence du RN dans les cortèges. Aucune figure jurassienne du RN n'a été aperçue. Le RN, après avoir fait la démonstration de son inutilité à l'Assemblée Nationale, en ne participant pas aux travaux en commission et en ayant déposé que 76 amendements au texte (soit moins que le groupe Renaissance, c'est dire!), n'a en effet appeler à aucun rassemblement.

Marine Le Pen a même soutenu les réquisitions et déblocages par les CRS des raffineries en grève, ou encore a appelé les éboueurs à reprendre le travail. Elle n'a pas appelé la police - qui vote pourtant majoritaire pour elle - à se mobiliser et à refuser d'appliquer des consignes contraires à leur code de déontologie.

Elle indiquait même qu'elle n'était pas pour la suppression du 49-3 ni favorable à la mise en place d'une constituante pour rediscuter de l'organisation de nos institutions. Cela prouve que le RN pourrait se prévaloir des articles les plus anti-démocratiques de la constitution de la Vème République et gouverner comme Emmanuel Macron par le déni démocratique, si par malheur il arrivait au pouvoir.

La mobilisation ne faiblit pas

Malgré le déni de démocratie, l'usage du 49-3 et la stratégie répressive du gouvernement, et après plus de 2 mois de manifestations, la mobilisation ne faiblit pas! Elle s'est même renforcée depuis l'usage du 49-3 avec plus de 3,5 millions de personnes mobilisées lors de la journée du jeudi 24 mars dans le pays, dont près de 12 000 personnes dans le Jura (plus de 6000 manifestantEs à Lons-le-Saunier, plus de 4000 à Dole, 1300 à St Claude et 300 personnes à Poligny)

Dans les cortèges de Lons, Dole et Saint-Claude, étaient présents les syndicats membres de l’intersyndicale, la CGT, la FSU, la CFDT, FO CFE-CGC, la CFTC, l'UNSA et Solidaires, mais aussi la CNT, la Confédération Paysanne, les Gilets jaunes, les partis politiques membres de la NUPES (LFI, EELV, PCF, PS), des fonctionnaires, des travailleurSEs du privé et de plus en plus de jeunes.


La multiplication des blocages fera-t-elle plier le gouvernement ?

Face à un gouvernement qui n'a que faire de l'immense rejet de sa réforme et qui est prêt à l'utilisation de procédés autoritaires pour passer en force sa réforme, le seul moyen de le faire reculer est de toucher au porte-monnaie de ses amis. Si une journée de mobilisation coûte chère au patronat et aux financiers, alors que dire des blocages ciblés de l'économie ?

Depuis l'usage du 49-3, il est à noter la multiplication d'actions de blocage dans tout le pays. Dans le Jura, cela se traduit par l'occupation de ronds points, d'actions de blocage comme à Solvay ou à Rochefort sur Neunon.

On constate également la présence de plus en plus importante de la jeunesse. Ils étaient 500 000 le 24 mars dans tout le pays, avec plus de 80 universités et écoles bloquées. Dans le Jura, les lycéenNEs commencent à se mobiliser avec des blocages de lycées qui fleurissent un peu partout dans le département comme à Poligny, Salins ou Saint-Claude .

Le gouvernement reculera-t-il ? Tout dépendra de la mobilisation de toutes et tous !

À propos de la réforme:

- Il est important tout d'abord de rappeler qu'il n’y a pas de problème d’évolution des dépenses. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) le dit lui-même : « Les résultats ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». En 2022, le système est excédentaire de 3,2 milliards !

- Le gouvernement souhaiterait faire des économies pour financer des cadeaux aux grandes entreprises et aux plus riches. Il a fait voter des lois qui, comme la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), bénéficient surtout aux grandes entreprises et très peu aux petites. Une réforme, d’un coût de 8 milliards, soit quasiment le déficit qu’il dit craindre en 2027…

- Travailler jusqu'à 64 ans ? C'est nous faire travailler plus longtemps et nous prendre les deux meilleures années de la retraite. Mais c'est aussi mission impossible pour beaucoup d'entre nous! L'espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 59 ans pour les ouvriers. A 64 ans, un ouvrier sur 6 est déjà décédé.

- Reporter l’âge de départ en retraite est encore plus défavorable aux femmes qui sont déjà 40 % à partir en retraite avec une carrière incomplète.

- La réforme des retraites, c'est plus de chômage avec 300 000 emplois libérés en moins chaque année. Autant de postes en moins pour la jeunesse, alors que déjà 1,4 million de jeunes ne sont aujourd’hui ni en étude, ni en emploi, ni en formation…


- Lorsque le chômage augmente, la concurrence entre les salariéEs s’intensifie, ce qui fait baisser les salaires. Avec la réforme, les salaires devraient diminuer de 3 % en 10 ans selon l'OFCE.

- Reculer l’âge de départ à la retraite ne va pas permettre de trouver un travail à celles et ceux qui n’en ont pas ! Selon la DRESS, 1,4 million de seniors sont au chômage, dont 60 % depuis plus d’un an.


- Les seniors excluEs de l’emploi vont donc voir leur précarité s’aggraver. Toujours selon l'OFCE, plus de 110 000 personnes supplémentaires passeraient aux minima sociaux (RSA, AAH) à cause de la réforme. L’afflux de personnes supplémentaires sur le marché du travail va faire grimper le chômage : la réforme créerait 280 000 nouveaux demandeurs d’emploi. Faire travailler les gens toujours plus vieux, c’est aussi renforcer le risque de tomber malade ou de subir un accident du travail. 



Pour aller plus loin :

Femmes, conditions de travail, pension minimale, espérance de vie en bonne santé... Une publication reprenant l'essentiel de la conférence-débat d'Attac-39 est téléchargeable ici.

« C'est pour contribuer à la constitution du rapport de force nécessaire pour faire reculer le gouvernement, pour partager des arguments et faire œuvre d'éducation populaire » qu'Attac-39 a organisé, le lundi 6 mars 2023 à la Maison commune de la Marjorie de Lons-le-Saunier, une conférence-débat sur le projet de régression sociale portant notamment l'âge de départ à la retraite à 64 ans.



Plan de la brochure :

- Le projet de loi, son parcours législatif, les différences sociales d'espérance de vie, notamment en bonne santé, les mensonges sur les 1200 euros... par Michel Jam-Daniel Bordur, journaliste honoraire.

Depuis le gouvernement a procédé à un coup de force en dégainant le 49-3, et une motion de censure transpartisane (signée par la NUPES et le centre-droit républicain du groupe LIOT ) appelant au rejet du texte et au départ du gouvernement a été rejetée à 9 voix près.

- Les réformes successives et la remise en cause des conquis du programme du Conseil National de la Resistance Par Pef Marin, syndicaliste, Attac

- La retraite à 60 ans Oui ! Maltraitées jusqu'à 64 ans Non ! Par Séverine Duparet, enseignante dans le primaire, syndicaliste FSU-Jura . Elle revient notamment sur les conséquences de la réforme pour les femmes.

- Les métiers du soin, majoritairement féminins, et le projet du gouvernement. Par Céline Claude, CGT Centre hospitalier Jura sud

- Conditions de travail et organisations empêchent les ouvriers et les employés de se projeter au travail à 64 ans Par Stéphane Thuillier, syndicaliste CGT à l’Inspection du Travail . Il revient notamment sur la question des conditions de travail et des critères de pénibilité, qui touchent la grande majorité des salariéEs.