Société / Lons-le-Saunier

La journée mondiale des réfugié•es s’invite à l’Espace Mouillères de Lons-le-Saunier

Depuis 2001, le 20 juin est déclaré « Journée mondiale des réfugié•es » par l’ONU. Pour la première fois, un collectif d’associations dénommé JMR 39 (https://journeemondialeref.wixsite.com/jmr39) a organisé une déclinaison locale de cette journée mondiale ce mardi 20 juin dans l’après-midi.

Farzana, réfugiée afghane, livrant son témoignage aux côtés de son mari Nasratullah (Crédits : Vincent Bidault)

L’événement avait été préparé collectivement et avec soin depuis plusieurs mois. Ce mardi à l’Espace Mouillères de Lons-le-Saunier les bénévoles et salarié·es des différentes composantes du collectif JMR39 se sont activé·es dès 13h30. En ce chaud début d’après midi, l’heure était à la préparation du premier temps précédant l’ouverture de l’événement au grand public : une conférence de l’auteur afghan Mahmud Nasimi auprès d’élèves du collège Saint Exupéry. Une cinquantaine de collégien·nes sont en effet venu·es rencontrer et échanger avec l’auteur de « Un Afghan à Paris » et plus récemment du « Chant de la Mélancolie ». Invité par Peuples Solidaires Jura, celui qui a fui son pays en avril 2013 a également eu l’occasion de présenter à nouveau son parcours, sa philosophie et son œuvre en fin de journée, cette fois-ci au grand public.

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Élèves du collège Saint Exupéry à la conférence de Mahmud Nasimi (Crédits : Vincent Bidault)

Un peu avant 15h, le public a commencé à remplir la salle du Café Associatif de l’Espace Mouillères, non sans être préalablement invité à arborer un petit ruban noir en signe de deuil pour les personnes ayant perdu la vie sur les routes migratoires. Avant d’entamer les activités, Victoire Delachaux, animatrice au CADA de l’association Saint-Michel-le-Haut, et Muriel Drenou, formatrice en français langue étrangère à la Maison Commune, ont rappelé le cadre de cette journée. L’objectif était avant tout de promouvoir par les diverses activités de l’après-midi les échanges entre les réfugié·es et le public, mais également d’aborder l’immigration de manière générale. Plus d’une centaine de personnes sont ainsi venues découvrir les animations proposées par les associations. Jeux de société, jeux des définitions, expositions, ateliers de conversation avec les apprenants des cours de français de la Maison Commune, autant de moyens d’informer et de sensibiliser sur les réalités de l’exil.

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Temps d ‘échange convivial au Café associatif de l’Espace Mouillères (Crédits : Eileen CHAIX)

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En haut, une exposition sur les droits de l’Homme et le droit d’asile préparée par des réfugié·es. En bas à gauche, l’exposition « Halte aux préjugés sur les migrations » présentée par Peuples Solidaires Jura ; en bas à droite, un atelier de conversation en français avec des apprenant·es. (Crédits : Vincent Bidault)

Après un petit goûter partagé, est venu le tour de Nasratullah de prendre la parole pour délivrer son témoignage. Nasratullah a étudié le français et était interprète pour l’armée française en Afghanistan, ce qui lui a permis, au bout de la 4ème demande, d’être accueilli en France avec ses parents, sa femme Farzana ainsi que leurs 3 enfants. Ayant dû démissionner de son poste d’interprète en 2014 suite à des menaces, il lui fut difficile de se faire reconnaître comme étant en danger sous le régime des talibans à cause de son travail avec les forces étrangères. Finalement arrivé à Arbois il y a environ 1 an après un passage de 8 mois en Iran, il s’est dit à la fois content que lui et sa famille soient enfin en sécurité et triste d’avoir dû laisser derrière lui son pays. Son épouse Farzana a également livré un témoignage émouvant malgré son niveau débutant en français. Elle a notamment décrit sa fierté de voir son fils entrer à l’école en France et rêver de devenir footballeur « comme Mbappé », là où en Afghanistan les garçons jouent au milieu des tanks et rêvent de devenir soldats. Aujourd’hui, Nasratullah aimerait s’orienter dans la mode et cherche une formation dans ce secteur.

A suivi un temps de lectures de textes écrits par les apprenant·es des cours de français de la Maison Commune. Parmi ceux-ci, un extrait d’un poème d’une apprenante originaire du Maroc a touché du doigt le message de cette journée des réfugié·es : « Faisons de notre différence une force, oublions notre apparence. Apprenons le vivre ensemble avec tolérance, ce n’est pas difficile je pense ». Trois des personnes qui se sont succédé pour ces lectures vont passer le DELF (diplôme reconnaissant un certain niveau en français) dans les prochains jours, la salle a donc été invitée à les encourager par des applaudissements. Le public était autant composé de visiteurs que de bénéficiaires des structures d’accueil de demandeur·euses d’asile telles que l’ASMH, AJIR ou encore Juralliance.

Le public a ensuite migré vers la salle de spectacle de l’Espace Mouillères pour la seconde conférence de Mahmud Nasimi. Après une introduction de Liliane Dechancé, bénévole de Peuples Solidaires Jura, l’auteur a décrit son parcours depuis son départ d’Afghanistan jusqu’à son arrivée en France, en passant par l’horreur de la traversée de la Méditerranée. Entré en Europe par la Hongrie, il s’est vu refuser le statut de réfugié en Belgique et en France à cause du règlement de Dublin. Celui-ci prévoit en effet que la demande d’asile doit être effectuée dans le pays où les empreintes digitales ont été recueillies, c’est-à-dire bien souvent le pays d’entrée. C’est durant les 3 semaines d’attente pour déposer son dossier à Paris que Mahmud Nasimi a découvert le cimetière du Père Lachaise et notamment la tombe de Balzac. Cette découverte l’a inspiré, alors qu’il ne maîtrise pas le français, à découvrir la littérature française. Mot par mot, il a lu les classiques et perfectionné sa maîtrise de la langue, jusqu’à arriver à écrire « Un Afghan à Paris ».

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Mise en place de la troupe de l’association Yasso (Crédits : Vincent Bidault)

Après un petit temps convivial autour d’un apéritif partagé ainsi qu’une séance de dédicace des livres de Mahmud Nasimi, la soirée s’est conclue avec un spectacle de chants, percussions et danses par l’association franco-ivoirienne Yasso basée à Oyonnax. Fondée par les frères Ibro et Douty Coulibaly ainsi que Ary Germain Denegnan, elle réunit une bande d’ami·es passionné·es de danses et percussions africaines, afin de faire découvrir la culture ivoirienne au grand public. Membre du collectif, l’association Page 27 a pris en charge l’organisation de cette performance joyeuse et entraînante. Conquis par l’énergie de la troupe d’artistes sur scène, le public est reparti inspiré de cette journée riche en rencontres interculturelles, avec en perspective un avenir plus fraternel et solidaire.