Société / Poligny

Chauffeur scolaire, emploi précaire

J’ai suivi Charly, jeune chauffeur de car, durant une journée. Il m’a tout raconté du métier, entre contrat précaire, amplitude importante, lien avec les enfants, les parents et entretien du car…

Charly est au volant de son car, le soleil se lève à peine ( ©photo: Simon Phillipe)

400 cars scolaires font le même trajet matin et soir, tous les jours dans le Jura, 400 chauffeurs et chauffeuses sont mobilisé·es chaque matin pour transporter les élèves à l’école. Mais que sait-on sur ce métier ? Pourquoi le secteur a-t-il tant de mal à recruter ? J’ai suivi Charly Granger durant une journée. Jeune chauffeur de car, il m’a tout raconté du métier, entre contrat précaire, amplitude importante, lien avec les enfants, les parents, entretien du car… Reportage.

Il est 6h20 quand Charly arrive au hangar dans la zone industrielle de Poligny. Il allume le moteur, enregistre son arrivée dans la boite noire du car et se met en « autre tâche ». Pour un conducteur de car, il y a trois modes différents : « Lorsqu’on est en mode conduite, nous sommes payés à 100% ; quand on s’occupe de l’entretien du car, des bagages, des personnes etc. nous sommes payés à 50% ; et lorsque qu’on est en attente, c’est 50% également », explique t-il avant d’ajouter : « Ça, c’est le fonctionnement en théorie. Moi, j’ai un forfait, toutes mes heures sont payées au SMIC, je travaille 23h par semaine, je suis payé entre 500 et 800€ par mois». Dans ces 23h, il faut ajouter une amplitude horaire importante : prise de poste à 6h30 jusqu’à 9h, puis l’après-midi de 16h jusqu’à 19h, soit une amplitude de 12 heures, le maximum légal.

Il est 6h35 et Charly commence sa tournée. « La première tournée, c’est les plus grands : collège, lycée et BTS», explique Charly. Première étape : Chemenot. Charly doit y être à 7h03. Une application (application de la région) sur son téléphone lui indique s’il est en avance ou en retard sur les temps de passage. Le premier adolescent monte : le bonjour est timide, les yeux sont fatigués, la journée sera longue. « Tiens regarde, Simon, avec cette appli, je sais quel gamin monte, je m’efforce à apprendre les noms. Pour les adolescents, ça va parce qu’ils sont sages mais pour les plus petits, on a plus d’autorité en retenant les prénoms ».

Sur la route, Charly me parle de son contrat. « C’est un CPS (conducteur périodes scolaires), je ne suis payé que durant les périodes scolaires, et si je ne trouve pas de missions, je ne suis pas payé. Beaucoup de retraités font chauffeur de car pour arrondir les fins de mois. Lorsqu’on est jeune, ce genre de contrat, c’est très compliqué ».

Les arrêts s’enchainent, Colonne, Bersaillin. Tous les arrêts ne sont pas toujours signalés. « Non mais regarde, il y a plusieurs arrêts qui ne sont pas indiqués, ni par un arrêt de bus, ni par un marquage au sol. Dans la théorie, je ne devrais pas m’arrêter mais bon, entre la théorie et la réalité… », plaisante Charly. Une plaisanterie, mais qui en dit long sur la responsabilité qu’ont les conducteurs. « Si je m’arrête alors qu’il n’y a pas de signalétique et qu’une voiture me fonce dedans, qui est en tort ? Quand on passe le permis car, on nous dit qu’on a une arme dans les mains, on ne doit jamais l’oublier », explique Charly avant de reprendre. « S'il se passe quoi que ce soit, je peux en être tenu responsable »

7h52 : la première tournée s’achève aux portes du collège Jules Grévy. Pas le temps de souffler, Charly reprend la route pour l’école élémentaire de Colonne. Le temps de chercher l’accompagnatrice de car scolaire, une fonction exercée par les élu·es du village ou par une ATSEM dont la présence est obligatoire quand il y a des enfants de moins de 3 ans. A l’arrêt de bus, les mamans accompagnent leurs enfants. Anxieux avant de monter, les enfants sont vite rassurés par Charly qui les appelle par leur prénom, en discutant avec les mamans et en mettant la radio à fond. Les enfants chantent les tubes du moment. « Pour moi, c’est vraiment le début de l’école, c’est un moment de sociabilisation, ils viennent discuter avec moi. J’essaie, à mon niveau, de leur ouvrir l’esprit ».

8h48 : la tournée est terminée. « Regarde les paysages, c’est vraiment magnifique ! C’est aussi pour ce genre de moments que je fais ce métier ». La prochaine tournée reprendra à 16h. Un métier du lien, un métier essentiel et comme toujours trop peu valorisé.